Rétrospective "Gauguin l'Alchimiste" au Grand Palais
De Pont-Aven en Polynésie
classique moderneUne ample rétrospective du Grand Palais revient en ce moment sur l'oeuvre du plus fameux parmi les disciples des Impressionnistes : il s'agit de Paul Gauguin l'Anarchiste et le Voyageur. C'est l'occasion jusqu'au 22 janvier de voir les très belles toiles de l'Artiste peintes la plupart à Pont-Aven et en Polynésie.
Ci-dessus un Gauguin sur les traces de Cézanne qui s'intéresse aux ombres portées par les pommes. Il les auréole d'un éventail aux mêmes couleurs oranges et vertes, déployé sur elles comme un soleil couchant.
Paul Gauguin fut avec Georges Seurat le chef de file des peintres qu'on nomme aujourd'hui post-impressionnistes. La célèbre colonie de l'Ecole de Pont-Aven se forma d'ailleurs autour de lui, lui qui pour la rejoindre fut également du voyage dans le Finistère Sud en 1888. A part l'intermède malheureux d'Arles où il rejoignit Vincent Van Gogh sur son invitation, Gauguin resta peindre pendant plus d'un an en Bretagne.
A Pont-Aven
Il peint de nombreuses toiles à partir de scènes de la vie quotidienne qu'il observe dans la région de Pont-Aven.
La ronde des petites bretonnes - 1888 - Washington, National Gallery of Art
Le clocher du village laisse dépasser sa flèche pour pouvoir espionner trois petites bretonnes qui, des hauteurs du village, veulent faire tomber le soir de leur ronde mystérieuse et serpentine.
Dans cette rétrospective dédiée à Paul Gauguin, le Grand Palais n'oublie pas de mettre en lumière l'influence et l'immense talent d'Emile Bernard. Il est en effet le Fils Prodigue de la Peinture Moderne, celui qui lui apporta les premiers motifs abstraits, tout en fondant à Pont-Aven le Synthétisme avec Gauguin (voir l'exposition consacrée par l'Orangerie à Emile Bernard en 2014).
La Moisson - 1888 - Paris, Musée d'Orsay
Dans La Moisson des faucheurs à la silhouette souple et arrondie, comme la forme de leur outil, découpent le gâteau doré de leur champ à la faucille.
Portrait de l'Artiste au Christ Jaune - 1891 - Paris, Musée d'Orsay
En se représentant avec le buste surgissant devant le Christ qu'il avait peint auparavant, Gauguin s'était-il pris pour Dieu comme le fit avant lui Prométhée ? Il préfèrait en tout cas lui tourner le dos et sa ressemblance avec le bibelot primitif à droite est aussi confondante. Dans l'art de se peindre, Paul Gauguin est à mi-chemin entre le dieu et la bête : ses traits rappellent certes ceux d'une gargouille ou d'un masque païen mais il sait aussi se donner l'aura d'un ange déchu.
Seul à Tahiti
Seul et fatigué de sa vie en métropole, rêvant toujours plus d'ailleurs et de lumière idéale pour sa peinture, Gauguin profite de la vente de ses tableaux pour partir en Polynésie. Il va se fondre dans la population tahitienne et dans son art employer la couleur de manière primaire, inédite et forte.
Pastorales tahitiennes - 1892 - Saint Pétersbourg, Musée de l'Ermitage
Arearea (Joyeusetés) - 1892 - Paris, Musée d'Orsay
Nave Nave Moe (Eau délicieuse) - 1894 - Saint Pétersbourg, Musée de l'Ermitage
Dans Nave Nave Moe le ciel paisible du soir revient lorsque le chien orange et la coulée rouge éloignent enfin leurs mauvaise augures. "A quoi riment ce danger qui nous menace et ce mal qui nous entoure?" semble du regard nous demander la Polynésienne de Arearea. Comment répondre lorsque l'on est subjugué par la variété et la force des couleurs, qui à elles seules nous en disent tant sur la chaleur et la tension qui traversent ces toiles, en particulier les deux dernières?
Nous avons certainement vues ensemble les plus belles toiles de cette exposition. Soulignons cependant que la lumière est malheureusement projetée de façon abrupte parfois sur les oeuvres, parfois elles sont laissées au contraire dans l'obscurité. Nous n'oublions pas non plus les extraordinaires Aha oé feii (eh quoi tu es jalouse) et Rupe-Rupe (la cueillette des fruits) vues l'an dernier déjà à la Fondation Vuitton.