"L'exposition du centenaire" à la Fondation Vuitton jusqu'au 29 Août
Hantaï !
moderne contemporainLe Grand Artiste Simon Hantaï (1922-2008) aurait dû avoir 100 ans cette année et la Fondation Vuitton dédie une large rétrospective amplement méritée à ce monstre de la Peinture Abstraite.
Elle rappelle que l'inventeur du "pliage comme méthode" a peu à envier aux stars américaines de l'abstraction (Pollock, De Kooning) et que nous avons eu de la chance d'avoir accueilli en France un tel talent artistique, au sein de ce qu'on appellera par la suite la "Seconde Ecole de Paris".
Simon Hantaï quitte définitivement la Hongrie au moment où le "Rideau de fer" s'abat sur son pays d'origine à l'arrivée d'un régime communiste pro-soviétique. Après un passage par l'Italie, il s'installe avec sa femme à Paris et se mêle rapidement au milieu artistique et cosmopolite de la capitale. D'abord tenté par le Surréalisme l'artiste franco-hongrois participe au renouvellement de ce mouvement né dans les années 1920, qui lui permet à son tour de se faire connaître en exposant ses premières toiles.
L'abstraction par petites touches
A la fin des années 50 Simon Hantaï séduit par l'Expressionnisme américain abandonne le groupe d'André Breton pour peindre des toiles désormais abstraites, étonnamment composées de toutes petites touches : le tableau Les larmes de Saint-Ignace (1959) évoque un vitrail d'église, dont les carreaux de couleurs illuminés se désagrègent, devenant presque liquide.
Les toiles se caractérisent aussi par la légèrété des couches de peinture ou de crayon qui se superposent. Il faut que le regard de l'observateur passe au ras de Ecriture rose (1959) : c'est ainsi qu'il prend conscience de la double couche de crayonnage gris-rose qui donne une profondeur particulière et double au tableau. De curieux symboles en feuilles d'or semblent surnager comme des paramécies en suspension dans cet aquarium à double fond. Illusion de vies en rose faites de flottement et d'équilibre.
Simon Hantaï peint en parallèle cette même année un autre grand format au double relief fascinant. Composé également de petites touches, voilant à peine les traits lumineux d'une grande croix, À Galla Placida (1959) doit son nom à l'impératrice romaine dont les mosaïques du mausolée situé à Ravenne l'éblouirent lors de son séjour en Italie.
Le "pliage comme méthode"
C'est à partir de l'année 1960 que Simon Hantaï crée des tableaux en utilisant une savante méthode de pliage des toiles, enduites de peinture avant leur dépliage. Se succèdent dès lors des périodes identifiées par une nouvelle méthode ayant évolué à partir de la précédente, et par un rendu pictural unique et propre. Que ce soit les Etudes, les Tabulas ou les pliages-drippés plus tardifs, cette technique qu'il a inventée et su mettre à jour comme l'aurait fait un artisan génial du Grand Art, va produire des résultats esthétiques marquants tout au long de sa vie.
Les Etudes (1968-1971)
Après les Mariales et les Meuns, les interstices des Etudes sont comme des dizaines de découpes effectuées simultanément, ou évoquent un amas de plumes posées abruptement sur une zone monochrome.
C'est Matisse qui dans son découpage aurait passé la surmultipliée grâce à l'énergie de l'action painting propre à Jackson Pollock, l'artiste abstrait qui ne cessera jamais d'inspirer et fasciner Simon Hantaï à partir de sa découverte dans les années 50.
Les Tabulas (1972-1982)
Avec le regard immergé dans ces grands formats, les Tabulas de Simon Hantaï mettent l'oeil de l'observateur au contact de la fraîcheur des mosaïques et des bassins. Ils l'éblouissent par les reflets lumineux sur leurs carreaux verts menthe à l'eau. Une Peinture certes abstraite mais toute en stimulations de sensations bien concrètes.
Les pliages-drippés (1982-1985)
Ce ne sont plus ni des carreaux ni des plumes mais un amas de papiers-bonbon colorés transparents qu'Hantaï semble avoir agrandis et posés sur la toile. Ces oeuvres tardives étaient restées jusqu'à aujourd'hui inédites pour le grand public. Hantaï qui s'est retiré de la vie publique et ne peint plus que pour lui à partir de 1982, semble y reprendre la technique du dripping (laisser goutter la peinture sur la toile) inventée par Jackson Pollock.
L'exposition qui reprend la quasi globalité des périodes de l'artiste montre que la Fondation Louis Vuitton a choisi de mettre à l'honneur l'un des plus grands peintres européens de l'Abstraction, à la suite de Kandinsky et Klee, au même titre que Jean Dubuffet. C'est un honneur plus que mérité pour Simon Hantaï, dont tout amateur de peinture prendra plaisir à être témoin.