Exposition "Un fauve en liberté" au Musée de Montmartre

Le Fauve apprivoisé

Publié par arman - vendredi 3 juin 2022, 11:24 | Voir les avis

moderne

Le Peintre marseillais Charles Camoin (1879-1965) n'en fut pas moins habitant de Montmartre et résident d'une maison-atelier d'artistes qui, devenue musée, lui rend aujourd'hui hommage.

Le Musée de Montmartre présente ainsi du 11 mars au 11 septembre 2022 une exposition dédiée à l'Artiste qui en 1905 contribua à la naissance d'une nouvelle peinture moderne qu'on appela alors le Fauvisme. 

Sur les conseils de sa mère elle aussi artiste Camoin s'inscrit à 19 ans aux Beaux-Arts de Paris. Dans l'atelier de Gustave Moreau il se lie d'amitité avec des élèves nommés Henri Matisse et Albert Marquet, compagnons d'avant-garde au sein du futur groupe des Fauves. Avec eux Charles Camoin rencontre le succès assez rapidement dès 1904 lors d'expositions collectives présentées par les galeries d'art. 

Retours à Marseille

A l'instar de ses camarades (Matisse et Derain), qui descendent comme Van Gogh dans le Sud pour chercher la lumière et peindre des oeuvres nouvelles, c'est à Marseille, sa ville natale que le Peintre va retourner puiser son inspiration la plus originale.

C'est le cas ci-dessus du Port de Marseille, Notre-Dame-de-la-Garde, à travers les mâts (1905). Sur le Vieux Port, des voiliers amarrés aux couleurs dardantes portent hauts leurs mâts sous le soleil comme des hallebardes. Ils forment une forêt de bois escortant la Bonne Mère située derrière au loin, la Basilique Notre Dame de la Garde qu'on aperçoit sur sa colline derrière un voile d'air chaud estival, faisant ainsi deux panoramas imprenables superposés.

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C'est le cas également ci-dessus pour Marseille, rue Bouterie (1904). Ce qui ne semble être à première vue de loin que la peinture d'une simple ruelle peut fasciner l'observateur lorsqu'il s'approche du tableau. Camoin use au pinceau de simples applats de rectangles verticaux pour représenter façades, portes, draps pendants aux fenêtres ou membres du voisinage. La composition naturaliste, manifestement d'inspiration cézanienne, devient impersonnelle et abstraite, donnant à l'impression visuelle une tournure fascinante à bonne distance.  

Dans Port de Cassis (1904) ce village près de Marseille, coincé entre ciel et mer, se reflète à la fois vers le haut et vers le bas : les nuages du matin prennent la forme rosifiée des montagnes, la mer liquéfient les maisons du bord de plage et les bateaux amarrés. Charles Camoin admire les barques d'Argenteuil peintes par Monet et recrée avec la maestria du Maître impressionniste la forte sensation aqueuse produite par la représentation des reflets sur l'eau. Son coup de pinceau certes très brillant en devient cependant un peu moins personnel, faisant de lui un suiveur aussi bien impressionniste que fauve. Car l'ensoleillée Lola sur la terrasse (1920) devra plus tard également beaucoup à Henri Matisse.

C'est en rentrant à Paris de son séjour dans le Sud que Charles Camoin participe avec ses amis (Matisse, Marquet, Derain et Vlaminck) au Salon d'automne de 1905, dans la fameuse salle VII bientôt baptisée par la critique la "cage aux fauves" pour la férocité des couleurs et le radicalisme esthétique de leurs oeuvres.

Paris 

Résidant à Paris depuis 1903 déjà il choisit pour motif de ses oeuvres les paysages et rues de la capitale. Dans Notre-Dame et le Pont de l'Archevêché (1908) il peint à la manière d'Albert Marquet ce bout du Quartier Latin irrigué par la Seine, et noyé sous la pluie parfois, avec une réussite que personne, pas même celui-ci ne devait lui contester. 

Pas un coin de bleu au ciel et pourtant le soleil brille. Le manteau de nuages blancs aminci par la pluie tombée prend la couleur dorée de ses rayons. Le sol parisien miroite leurs reflets de lumière. Un trait schématique suffit à exprimer l'impression météorologique agréable pour celui qui sur les lieux en est témoin : Charles Camoin, lui, réussit à nous la restituer par sa peinture. 

Les Baigneuses 

Dans certaines de ses oeuvres "à la manière de" Charles Camoin réinterprète le thème des Baigneuses introduit initialement dans l'Art Moderne par Paul Cézanne, maître qu'il admirait au point de lui rendre visite à Aix alors qu'il était encore jeune et inconnu. Dans Les Baigneuses (1912), des formes féminines lascives et évanescentes évoluent dans un cadre naturel où bassin et végétation enveloppante tendent mystérieusement à se confondre.

Le thème fut approfondi ensuite par le Renoir de la dernière période, celle des années 1910. Camoin fasciné imite avec brio dans Les Grandes Baigneuses (1963) les corps plantureux et lumineux représentés avec génie par le Maître de Cagnes.

L'exposition du Musée de Montmartre vaut donc le détour pour la découverte d'un artiste moderne attachant et la qualité parfois grande des oeuvres réunies. Mais Charles Camoin dont les peintures empruntent beaucoup au style de ses Maîtres voire de ses Camarades est finalement un Fauve assez apprivoisé. 

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