Les "Windows" minimalistes d'Ellsworth Kelly à Beaubourg
Fenêtres et toiles
contemporain moderneDevant les toiles de peinture on croit parfois se trouver devant une fenêtre donnant sur une autre réalité, un ailleurs quand il s'agit de paysage réaliste par exemple.
Le regretté peintre américain Ellsworth Kelly (1923-2015), pourtant artiste minimaliste, semblait partager ce sentiment au pied de la lettre malgré l'économie des moyens picturaux. C'est ce que suggère l'exposition du Centre Pompidou consacrée à sa série de tableaux "Windows" dont l'objet est la transformation par l'artiste américain des toiles en fenêtres.
Le jeune Ellsworth Kelly peignit lors d'un séjour en France entre 1948 et 1954 les croisées et les embrasures des "fenêtres" de "Windows", tableaux noir et blanc la plupart. Ce sont des oeuvres dont le titre et la symbolique contextualisent l'effet brut du noir et blanc en l'amplifiant. Mais ces toiles minimalistes arrivent-elles à faire respirer une vraie scène, à laisser une place à l'ailleurs, celui situé tout aussi bien en-deça ou au-delà des fenêtres? Voici en tout cas trois toiles qui touchent vraiment à ce but :
Window I
Les rideaux blancs laissent entrevoir à travers les croisées de Window I un ciel de même couleur et c'est tout l'extérieur qui semble comme caché et dissout dans une brume opaque. De cette vision du réel seules semblent avoir subsisté les imposantes croisées noires dressées telles un signe kabbalistique, au mystérieux et indéchiffrable message, prenant le pas sur tout le reste.
Black & White (Carpenter's window)
Surpassant son embrasure blanche le noir en relief est uniforme et dense. A travers cette fenêtre nul n'arrive à distinguer plus qu'une obscurité sans contour, une nuit complète et opaque. Et on est sûr d'avoir saisi l'intention du Peintre en découvrant la source d'inspiration de la toile, la photo d'une grange abandonnée vue de l'extérieur.
La photo fut prise par Kelly lui-même lors de son séjour en France.
Window VI
Les croisées noires coulissent, se décalent, et s'estompent pour ouvrir l'espace infini de l'horizon : au loin la mer et le ciel se confondent, se reposent sur un sable presque rose et doux. C'est ainsi l'été, synthétisé dans une parfaite abstraction (même si la photo trahit les nuances du bleu et du rose sable).
Window VI est un peu une exception par rapport aux autres toiles de la série. Car Ellsworth Kelly se prévalait en effet d'avoir supprimé de sa réprésentation du monde la troisième dimension, et c'est le cas pour les deux premières oeuvres.
Un Art Minimal dans toute sa splendeur rendu par ce génie économe, capable d'inspirer à l'aide d'aussi peu de moyens d'aussi profondes impressions.