Exposition consacrée à Toulouse-Lautrec jusqu'au 27 janvier
La beauté des bastringues
classique moderneVoici un événement dédié à l'une des pesonnalités majeures de la Peinture française de la fin du XIXème siècle marquée par l'Impressionnisme et le Post-Impressionnisme. C'est l'illustre Henri de Toulouse-Lautrec, le peintre de la vie parisienne et des cabarets, qui se voit consacré une grande rétrospective par le Grand Palais.
Un peu oublié par les expositions contrairement aux autres grands peintres de sa génération comme Gauguin et Van Gogh, c'est pourtant un artiste capable de produire des scènes de genre et des portraits avec un style personnel aussi puissant que Manet.
Henri de Toulouse-Lautrec sait par exemple plonger le spectateur dans le monde des bordels de la fin du XIXème siècle de façon étonnante. Il faut dire aussi qu'il les fréquentait beaucoup.
Ces dames sont comme des plantes vénéneuses qui serpentent et captent sur des canapés fanés l'air moribond, des statues immobiles et fragiles posées dans un rutilant mais poussiéreux salon. Alors que la dame tout en vert au milieu de la toile, lève sa jambe toute proche sans même nous adresser un regard, quelque chose de malsain semble régner dans ce lieu, quelque chose que ces dames ne veulent pas manifester. Et que dire de cette autre-là, plus au fond, fondue dans le rouge du décor qui cherche quelqu'un du regard. Qui? Un client? Le titre du tableau n'est pas totalement explicite. Cette dame au second plan en mauve nous adresse elle un regard interrogateur.
Assis dans ce salon au milieu des filles vous êtes le témoin neutre et involontaire d'une scène qui devrait être sensuelle (la couleur rouge) mais qui ne peut s'empêcher d'exhaler un atmosphère maladif (le vert). Pour cette toile Toulouse-Lautrec crée à la fois une scène de genre et une ambiance, raconte discrètement toute une histoire, celle des bordels de son temps, comme un grand peintre réaliste.
Voici le bal hors cadre du Moulin Rouge, d'un accueil plutôt intimiste : si le visage féminin à droite figé en masque, au clair-obscur vénéneux, rappelle avec effroi qu'on peut y jouer un rôle inquiétant, la fête bat pourtant son plein à la chaleur roussissante de cette table d'élégants réunis au second plan. Sublimant l'étrangeté des badauds Lautrec fait ressentir non seulement la grande fête, mais sa chaleur intime sans avoir à montrer les danseurs situés hors champ de l'autre côté de la grande vitre. Un pur chef d'oeuvre.
De plus l'exposition confirme tout le génie portraitiste de Toulouse-Lautrec, capable de réussir le dos d'une maîtresse (A Grenelle) en en captant toutes les nuances d'une façon si naturelle qu'il devient surnaturel de la voir là entouré d'un cadre. Et que dire des nombreux portraits de dandys parisiens dont le port haut et l'élégance en disent long sur le raffinement de ces personnalité , et malgré leur engoncement dans des espaces lambrisés et fermés (Portrait du Dr Henri Bourges, Portrait de Gaston Bonnefoy).
Le Grand Palais remet au goût du jour un très grand Artiste et une personnalité immense de la Peinture, qui s'était fait trop rare jusqu'à présent dans les expositions parisiennes. Il est à noter qu'aucun des chefs d'oeuvre contemplés dans l'article n'appartenait à une collection publique parisienne. C'est donc une exposition à ne surtout pas manquer.