Exposition "Valentin de Boulogne - Réinventer Caravage"

Valentin et l'ombre du Caravage

Publié par arman - samedi 20 mai 2017, 13:55 | Voir les avis

classique

Le Louvre présente jusqu'au 22 Mai une soixantaine d'oeuvres de Valentin de Boulogne, un des nombreux artistes du XVIIème siècle à suivre le style au clair-obscur baroque du célèbre génie romain Le Caravage. Valentin de Boulogne, cet illustre inconnu, est avec Le Lorrain et Nicolas Poussin l'un des meilleurs peintres français du XVIIème siècle.

Jean Valentin dit "Valentin de Boulogne" ou "Le Valentin" est né à Coulommiers dans la Brie en 1591. Fils d'un peintre verrier lui-même, il part très jeune pour Rome y apprendre son métier comme de nombreux artistes européens de l'époque attirés par les lumières de la Renaissance. Il s'installe dans le quartier Santa Maria del Popolo aux églises remplies des ténébreuses peintures du Caravage récemment décédé. Comme pour de nombreux artistes de sa génération, ce style baroque et révolutionnaire est pour lui un véritable choc à suivre.

Rome, cette ville dans laquelle il trouvera des protecteurs et des commanditaires parmi les cardinaux, il y restera jusqu'à la fin de sa vie (1632) la partageant entre son art et les tavernes peuplées d'artistes bohèmes comme lui.

Le concert au bas-relief - 1620 - Musée du Louvre

En voici donc une scène de taverne obscure, peuplée de jeunes individus aux regards perdus, tantôt jouant de la musique, tantôt lisant ou buvant. Derrière l'enfant attablé, mélancolique et rêveur, le personnage central s'adonne à une razzade en nous tournant le dos, nous faisant ressentir la solitude de chacun des personnages. Au sein du groupe mais dans cette nuit chacun est isolé et seul : Le Valentin est le premier peintre existentialiste.

Votre chroniqueur a été profondément marqué par cette toile découveerte lors d'un séjour à Madrid, signée pour lui alors d'un parfait inconnu.

David et la tête de Goliath - 1622 - Madrid, Musée Thyssen-Bornemisza

Dans cette toute première toile de l'exposition le décor du caravagisme est aussitôt planté. Pourtant au-delà de la tête énorme et noire décapitée, c'est le visage presque féminin de David qui attire notre attention. Le héros biblique hagard ne semble pas avoir pris la mesure de l'exploit qu'il vient de commettre, vaincre et tuer Goliath le roi philistin en duel. Tout le souffle et la tension de l'action semble retenus dans sa chevelure déportée et son regard perdu évitant le géant décapité entre ses mains. David tout jeune encore vient de commettre un homicide.

Sur la soixantaine de tableaux du Valentin, très nombreux sont ceux qui ne montrent que certains détails au niveau du Caravage. Précisons que le clair-obscur du Valentin n'est bien souvent pas aussi marqué et puissant que celui du Romain. Les toiles tombent parfois dans un classicisme aux couleurs vénitiennes un peu fades. Il n'y a qu'à comparer comment ces deux peintres traitent le sujet du "Couronnement d'épines", exhibant un Christ maltraité par ses bourreaux, pour s'apercevoir de la violence et du souffle présents dans la version du Caravage.

Regrettons également que le Louvre limite autant l'accès à cette exposition qui doit partager les files d'attente de la "Vermeer" beaucoup plus populeuse. 

Voici une grande toile pour clore l'exposition sur le thème du jeu.

Soldats jouant aux cartes et aux dés - 1620 - Londres, National Gallery

Ces soldats absorbés dans l'enfer du jeu se font écho mimétiquement, d'un côté à l'autre de la table et de cette grande toile dont le thème clôt l'exposition.