Exposition "Bacon en toutes lettres" jusqu'au 20 janvier 2020

Des monstres, de la couleur et de l'eau

Publié par arman - jeudi 5 décembre 2019, 19:00 | Voir les avis

moderne contemporain

Le Centre Pompidou présente cet automne une exposition consacrée à Francis Bacon, présenté comme l'un des plus grands peintres du XXème siècle, et aux liens de cet artiste britannique avec la Littérature.    

Elle se compose essentiellement d'oeuvres appartenant à la dernière période du Peintre avec notamment douze grands triptyques jamais réunis auparavant. Elle démarre en 1971,une année jalon pour l'Artiste marqué par la mort de son amant George Dyer qui devient inspiration et sujet de bon nombre de ces toiles.

Comme sur le triptyque ci-dessus (Triptyque : Trois Portraits - Portrait posthume de George Dyer - Autoportrait - Portrait de Lucian Freud de 1973), Francis Bacon s'appuie souvent sur un fond au coloris onctueux (ci-dessus le vert amande) dans lequel ont pris place des personnages à l'apparence monstrueuse. 

Cette apparence voile cependant deux réalités visibles sur la toile. La première est l'ensemble des mouvements effectués par le personnage représentés chacun dans un même coup de pinceau, dans un style qui ressemble à une sorte de nouveau cubisme, un cubisme "cinétique". Par exemple, on imagine ci-dessus le mouvement du bras tenant le combiné collé au visage, le nuage de fumée qui s'échappe, et la pipe qui tournoye de la main gauche.

Deuxièmement le combiné et la fumée semblent fusionner avec le visage du sujet (qui représente le peintre lui-même) lui infligeant plus de volume et de boursoufflure encore. La chair rosie est systématiquement couverte de suie. Tous ces éléments renvoient à l'anomalie qu'est la présence de ce personnage aux traits déformés dans un environnement d'une couleur absolument naturelle (le vert amande). 

S'il n'y avait eu que ces fascinants triptyques, d'un attrait certain il est vrai, nous n'aurions pas fait de Bacon un artiste majeur du XXème siècle, ce que beaucoup pourtant revendiquent. D'autres toiles plus discrètes ont cependant instilllé le doute dans notre esprit.

  

Bacon inscrit cette scène d'un robinet qui coule de trois quart dans le tableau. Il est évident que le Peintre ne s'intéresse qu'à représenter les effets visuels que prend l'eau, non pas lorsqu'elle coule directement du robinet, mais une fois qu'elle s'est entrechoquée contre la vasque. Et ce que révèle la toile c'est le désordre de l'eau, la confusion du tourbillon (en citant le critique Lunettes Rouges), de façon inédite car finalement quoi de plus difficile à peindre que de l’eau qui coule sans forme. La position de trois quart permet de voir le liquide à la fois s'évaporer en un fin brouillard et gicler en une langue immatérielle qui s'élance comme sur une photo instantanée. De part son sujet déjà très réaliste c'est certainement la toile la plus surprenante qu'on ait vu depuis un moment. Bacon déclare d'ailleurs dans l'un des films de l'exposition que cette toile est son oeuvre la plus réussie : il n'y a en effet aucun artifice, tout est apparemment simple, limpide et aux effets surtout très efficaces. 

Voilà une seconde toile, sinon abstraite, du moins très formaliste également. 

Et l'eau y est encore protagoniste, celle qui porte les reflets d'une route détrempée qui se dédouble ou qui semble se refleter elle-même dans un miroir. Donc les reflets de cette route se cumulent, cette route qui circule au milieu d'un fond carmin, universel et vide.

Voilà donc trois bonnes raison de visiter cette exposition. L'événement qui est très couru malheureusement ne dure que jusqu'au 20 janvier.

Pas d'avis pour l'instant.
Publier un commentaire :