Exposition "Basquiat x Warhol, À quatre mains" du 5 avril au 28 août

Artistes stars, collaboration discrète

Publié par arman - samedi 15 avril 2023, 22:57 | Voir les avis

contemporain

Les Maîtres de la Renaissance dans leur atelier confiait certaines parties de leurs oeuvres à un apprenti qui pouvait s'avérer par la suite être aussi un génie. On pense à Léonard de Vinci dans l'atelier d'Andrea del Verrocchio ou à Botticelli dans celui de Filippo Lippi à Florence.

Mais l'histoire que nous raconte cette exposition de la Fondation Vuitton, celle de la collaboration sur un pied d'égalité entre deux monstres de l'art moderne, celle d'une peinture véritablement réalisée à quatre mains, est un fait quasiment inédit dans l'Histoire de l'art.   

C'est leur galeriste commun qui, en 1982, emmène Jean-Michel-Basquiat à la Factory pour lui présenter Andy Warhol, le pape du Pop Art alors très intéressé par les jeunes talents new-yorkais du graff. Basquiat continue à fréquenter la Factory et écumer avec Warhol galeries, musées et boîtes de nuit.

Encore sur une idée de Bruno Bischofberger leur galeriste, les deux artistes décident de peindre ensemble à la fin de l'année 1983. Mais durant cette collaboration, plutôt que de concevoir un tableau vraiment ensemble, les deux peintres préfèrent souvent se renvoyer la toile et se mettre au pinceau seulement l'un après l'autre.

Ce qui donne la plupart du temps un résultat assez décevant pour lequel les styles contributeurs et si différents de Warhol et Basquiat se juxtaposent voire s'empilent plutôt que de participer à un tout. Les tableaux se composent alors de messages graffitis inscrits par Basquiat, qui se mêlent aux logos de la société de consommation imprimés par Warhol. C'est une base assez rudimentaire qui laisse le visiteur perplexe et un peu sur sa faim. Pourtant les deux artistes avaient bien une fascination l'un pour l'autre, une admiration même, qui laissait espérer une véritable élaboration et une multiplication des chefs d'oeuvre.

La fascination réciproque

Cette fascination a en effet inspiré avant leur vraie collaboration deux chefs d'oeuvre peints par l'un ou par l'autre, sur lequel le second est représenté. Dos cabezas (1982) notamment est une oeuvre légendaire peinte par Basquiat immédiatement après la rencontre écourtée entre les deux artistes, et portée deux heures après à un Andy Warhol impressionné par la rapidité de son jeune confrère.   

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Lunettes baissées Warhol juge d'un oeil impavide un jeune collègue qui ne cesse pourtant de le fasciner. Basquiat qui le peint dans un portrait saisissant s'épanche sur lui comme un sapin de Noël, gai et insouciant. Ces deux personnages énigmatiques et si différents s'observent, mais finalement nous scrutent nous, qui les contemplons en même temps.

De multiples cadres laissent paraître à travers des fragments de vitre plus ou moins translucides le corps reconstitué d'un Basquiat, posant comme le David de Michel-Ange. A voir son visage Il semble pourtant que c'est bien directement lui caché derrière un jeu de vitres. Entre collage et transparence le corps humain devient objet d'artifice, artifice plus magie qui n'appartient qu'à Andy Warhol.

La collaboration Warhol - Basquiat

Heureusement la vraie collaboration Warhol - Basquiat a aussi produit quelques beaux fruits qui s'éloignent des clichés sur ces deux artistes.

Une fable amusante baignant dans une ambiance limonade. Une fine plante en forme de fleur sépare un chou charnu de son ogre dévoreur sorti des limbes noires du tableau (l'ogre peint par Basquiat, le chou par Warhol). 

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Ci-dessus une nature morte qu'on aurait passé aux rayons X. C'est comme si une lumière était subitement projetée dans l'obscurité sur ces pots de mayonnaise apparaissant en surbrillance comme radiographiés.

6.99 (1985) ou la manifestation d'une violence et d'une colère primales, avec cette tête en masque africain crachant des flammes, autour de cette femme humiliée, peinte par Warhol, au sein d'une socièté de consommation agressive (le prix donnant le titre à l'oeuvre est brandi haut). Mais toute cette violence semble en équilibre et canalisée autour de trois pôles représentés par les deux joueurs de football américain au centre et un masque discret mais maléfique au-dessus d'eux. C'est la plus belle collaboration entre ces deux monstres et c'est malheureusement la seule où Warhol vient compléter opportunément l'intense créativité de Basquiat. 

Elle s'arrête malheureusement suite au départ du plus jeune, qui n'encaisse pas les critiques de la presse (notamment du magazine Time) reçues pour leur unique exposition commune, à la galerie Tony Shafrazi en 1985. 

Les artistes noctambules et New York

L'exposition n'oublie pas d'inscrire la collaboration Warhol - Basquiat dans son contexte new-yorkais et festif, à une époque qui voit naître l'art du graffiti porté par les remarquables Kenny Scharf, Futura 2000 et Keith Haring.

Graffeurs ou non, c'est toute une constellation d'artistes à laquelle appartient même un certain David Hockney, qui se croisent, se côtoient et font la fête ensemble. Comme un certain Scott Covert dont l'oeuvre ci-dessous présente à l'exposition fut particulèrement marquante.   

Basquiat, Nino Rota, Philip Guston, Bill Traylor. Tous artistes morts mais dont les noms réapparaissent en filigrane grâce aux stries crayonnées voulant écarter la poussière de leurs pierres tombales. Les inscriptions semblent clignoter de haut en bas comme un défilé d'images désirant se projeter sur écran cathodique. Mais nous sommes devant une simple toile peinte à l'huile et dessinée au crayon. Magie de l'artiste Scott Covert l'une des figures importantes et nocturnes du New York des années 80, dont est présenté ici ce vrai chef d'oeuvre sans titre (Untitled, 1999-2020).   

L'exposition à coup sûr aussi populaire que ses deux artistes dure jusqu'au 28 août.

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