Rétrospective Magritte au Centre Georges Pompidou

Méfiez-vous des images!

Publié par arman - dimanche 2 octobre 2016, 18:32 | Voir les avis

moderne

C'est au peintre belge René Magritte (1898-1967) que Beaubourg choisit de consacrer cette saison une grande rétrospective. Sans mettre de côté pour autant l'appartenance fondatrice de son oeuvre au mouvement surréaliste, l'exposition met en exergue un Magritte philosophe illustrant le monde de la Pensée avec son pinceau.

On a trop souvent réduit l'oeuvre du belge à un assemblage hétéroclite d'objets et de situations cocasses, alors que ses tableaux sont souvent soient de splendides rébus soient des visions quasi fantastiques, et toujours emprunts d'une vraie poésie. 

Le tableau ci-dessus - La lampe philosophique - 1936 - Collection particulière - que l'on peut découvrir à l'entrée de la première salle est un manifeste : Magritte y joue aux faux-semblants, par un sens du fantastique qui interpelle notre connaissance du réel même le plus banal. 

La bougie sur le guéridon n'est autre qu'un lombric qui serpente tout du long pour se terminer en flamme et en lumière. Il en est de même pour Magritte dont le propre nez lui aussi rampant semble s'en retourner dans son trou de pipe. Le Peintre qui nous interpelle du regard met à contribution un surréel insolite pour tordre la réalité apparente du nez et de la bougie.

Le propos pictural du peintre belge arrive à séduire car la technique constituée en aplats de couleurs très nettes ou en clair-obscurs finement dégradés, est pour l'oeil d'un charme aussi brillant que chez De Chirico, que René Magritte admirait, et Salvador Dali, autre surréaliste célèbre. 

Le monde des idées en peinture

Magritte fasciné par la philosophie nous pose donc parfois la question : la réprésentation que nous nous faisons du monde correspond-elle bien au réel (la peinture est d'ailleurs l'un de ses modes de représentation) ? Sans pour autant se contenter d'un jeu purement intellectuel, puisqu'il peint des paysages limpides et des clair-obscurs veloutés, le peintre belge aime mettre l'observateur au défi.

Avec les trompe-l'oeils il confronte notre jugement aux apparences même quand elles s'inscrivent parfaitement dans un paysage, comme la toile de chevalet ci-dessous. 

Les Promenades d'Euclide - 1955 - Minneapolis

Ce qui apparaît sur le tableau encore posé sur son chevalet imite-t-il bien le coin de paysage, caché derrière la toile que l'on croirait en cristal? Notre regard voit-il par la fenêtre le vrai paysage en face de lui? La curieuse et double présence d'un cône, tantôt le toit d'un donjon, tantôt un boulevard qui s'étire et monte, prouve que le doute devrait être permis. 

Eloge de la dialectique - 1937 - Melbourne

Poursuivre jusqu'au bout une idée, comme on pénétrerait à l'intérieur de l'habitation ci-dessus, ne permet pas toujours d'aboutir à la solution d'un problème. Si nous passions la fenêtre ouverte de cette maison pour entrer, nous nous retrouverions finalement toujours à l'extérieur et devant une autre maison, de plus dans la pénombre. Bref dans une impasse... Nous ne serons jamais avancés par une idée aussi obtuse que la superposition des cadres ci-dessus : ceux du coin de la maison, celui de sa fenêtre, puis "la maison à l'intérieur" et ses fenêtres.

Il faut apprécier cet éloge surréaliste de la dialectique (l'art de créer des idées) : son humour faussement absurde et son véritable message philosophique sont finalement transmis dans l'écrin d'une belle métaphore picturale.

La Réponse imprévue - 1933 - Bruxelles, Musées Royaux des Beaux-Arts

L'acte de foi - 1960 - Collection particulière

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Quelle surprise de se retrouver devant une porte enfoncée gardant la trace d'une silhouette ayant pénétré par effraction et en force dans une pièce contigüe et sombre.

La scène de  - La Réponse imprévue - 1933 - Bruxelles, Musées Royaux des Beaux-Arts - peut sembler le commentaire pictural du titre. Au cours d'une conversation en effet, notre interlocuteur peut par sa réponse forte nous surprendre et nous désarçonner, emmenant le fil du dialogue vers une impasse inconnue et de laquelle, vue notre incompréhension, nous aurons bien du mal à sortir. Suggérée au départ par son titre sous la forme d'un rébus, l'oeuvre est la splendide métaphore picturale d'une situation connue de tous : René Magritte est donc à la fois peintre, philosophe et poète.

Quant à  - L'acte de foi - 1960 - Collection particulière, n'est ce pas encore une ouverture inconsidérée, une effraction de porte (représentant cette fois l'acte irrationnel du Fidèle) donnant sur un balcon et un ciel étoilé (représentant l'étonnement et la béatitude du croyant) ?

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