Exposition impressionniste "L'atelier en plein air" au Musée Jacquemart

Sortez vos pinceaux!

Publié par arman - jeudi 14 juillet 2016, 16:52 | Voir les avis

moderne classique

Le Musée Jacquemart présente jusqu'au 25 juillet l'exposition "L'atelier en plein air" consacrée à la peinture impressionniste ayant eu pour cadre les paysages de Normandie. "Encore une exposition impressionniste" direz-vous? Certes mais pourquoi bouder son plaisir devant des chefs d'oeuvres de Monet et Renoir sortis pour l'occasion des réserves du Musée d'Orsay ou des collections des grands musées américains.

L'exposition "L'atelier en plein air" débute d'abord par l'origine de cette idée d'aller planter son chevalet en pleine nature, pour peindre des paysages. 

Les origines de la peinture en plein air 

Ce sont les anglais Constable et Turner qui au début du XIXème siècle eurent les premiers l'idée de peindre en plein air. Ils choisirent la Normandie suite à l'arrêt des guerres napoléoniennes. Comme les aquarelles exposées du second ont une association de couleurs quelque peu suspecte, on ne peut croire à l'enthousiasme de nos romantiques français pour la peinture britannique, si par exemple on n'a pas eu la chance de voir au Louvre les paysages côte à côte de Constable et Turner. Le grand Delacroix fit lui-même le voyage en Angleterre plutôt que le traditionnel en Italie pour découvrir la peinture anglaise de son époque. Les Peintres Français ne tardèrent donc pas à émuler leurs brillants confrères britanniques et peindre également en plein air.

Ainsi, profitant par les chemins de fer naissant de leur proximité avec Paris, les villes de Fécamp, Etretat, Rouen, Saint-Adresse, Honfleur, Trouville et bien sûr Dieppe verront leurs paysages représentés en peinture tout au long du XIXème siècle, des Romantiques jusqu'aux Impressionnistes, avec notamment ci-dessus le merveilleux La mer vue depuis les hauteurs de Dieppe - 1852 - Musée du Louvre de Delacroix.

Il est cependant dommage que l'Ecole de Barbizon, même si elle ne s'inscrit pas dans ce même cadre géographique mais qui compte cependant Daubigny et Corot dans ses rangs, soit totalement oubliée comme trait d'union entre ces deux grands courants de l'Art et de la Peinture. 

Charles Boudin et la Ferme Saint-Siméon

De nombreux paysagistes se mirent par la suite à l'école de Charles Boudin dont les ciels peints faisaient l'admiration de plus d'un parmi eux. Charles Boudin alors havrais donnait rendez-vous à tout un groupe d'artistes dont faisaient partie Jongking, Corot et Monet, à partir de 1855 à la Ferme Saint-Siméon près de Honfleur dont il était un habitué. Le jeune Monet l'accompagnait dans ses promenades pour y découvrir la peinture en extérieur et y peindre bientôt lui-même le chef d'oeuvre dont la photo ci-dessous rend avec difficulté la lumière dorée si spéciale...

La charrette. Route sous la neige à Honfleur, avec la ferme Saint-Siméon - 1865 - Musée d'Orsay

Sous un soleil tardif de soirée hivernale, la campagne pourtant revêtue d'une couverture claire et blanche envie au ciel sa lumière dorée. Le tableau est un peu le compagnon de La Pie paysage enneigé bien connu exposé lui en permanence au Musée d'Orsay.  

Monet

Plus tard Monet fera en famille des séjours à Trouville qui le conduiront bien sûr à y poser son chevalet. C'est l'artiste dont les oeuvres sont les plus belles parmi celles exposées au Musée Jacquemart.

Camille sur la plage à Trouville - 1870 - Université de Yale, New Haven, Connecticut

Ce n'est pas la mer verdâtre en reflux comme apeurée par les provocations enfantines qui attire notre regard sur cette toile. Le vent qui semble effacer au premier plan le visage de son épouse Camille, sans instrument souffle dans les voiles des coiffes un chant à la Féminité.

Sur les planches de Trouville, Hôtel des Roches Noires - 1870 - Collection particulière

Très haut dans le ciel des nuages blancs éparses chassés par le vent, le soleil est donc seul à écraser de sa présence toute la promenade et notamment une ombre sur la paillotte de plus en plus mince.

Monet a aussi beaucoup peint du côté de Dieppe, notamment l'église de Varangeville qui existe toujours située en bord de l'une des falaises du Pays de Caux.

Eglise de Varangeville à contre-jour - 1882 - Barber Institute of Fine Arts, Birmingham

Dominés par l'église de Varangeville à contre-jour, les pins semblent affronter une nuée rouge provenant des rayons du soleil naissant qui s'abattent sur la falaise au lever du jour et la rendent quasi indistinguable. L'alliance du rouge sur la falaise (beaucoup plus présent en vrai) avec le vert pistache du ciel est déjà une arabesque audacieuse et fauve.

Puisque l'on est à Dieppe, notons la Plage de Dieppe vue depuis la falaise ouest - 1870 - Château-Musée de Dieppe d'Eva Gonzalès, la jeune élève de Manet, avec ses falaises et ses pointes de terre qui s'effilochent dans un brouillard légér même par beau temps. 

Renoir

Auguste Renoir lui faisait des séjours plus rares en Normandie, chez des amis mécènes, au cours desquels il a peint l'étonnante toile ci-dessous :

La cueillette des moules à Berneval - 1879 - National Gallery of Art, Washington

Chaque tige, chaque fleur tout en étant bien présentes sont à peine suggérées et s'estompent pour que l'ensemble, les champs et les collines absorbent les rayons du soleil. Dans ce flou renoirien, les aspérités s'atténuent, les nuances colorées poussent çà et là, le jeu d'ombres douces et caressantes modèle le paysage à l'instar des buissons. A gauche le paysage se laisse totalement embrassé, exposé, offert à un soleil d'été chaleureux. Renoir assurément est le peintre de la Félicité. 

La peinture de falaise située à sa gauche est également spectaculaire. Cependant Renoir et Monet ne sont bien évidemment pas les seuls artistes à contribuer à l'exposition de façon remarquable.

Signalons la très réaliste Falaise d'Etretat - 1869 - Musée Von der Heydt, Wuppertal de Gustave Courbet, avec une observation étonnante des détails sur la roche et des vagues qui semblent se dissoudre avec le flux de la mer. De même le très ensoleillé Port en Bessin, Le Catel - 1885 - Collection particulière d'un Signac encore impressionniste. Et le hoppérien Régates en mer à Trouville - 1884 - Toledo, Ohio de Gustave Caillebotte avec ses maisons solitaires à flanc de falaise. L'exposition fourmille aussi de belles surprises, comme les peintres de l'Ecole de Rouen (Albert Lebourg, Charles Angrand), mais les toiles exposées de Pissarro, décevantes, n'arrivent pas expliquer la grande renommée du peintre.  

Puisque Giverny est en Normandie, l'exposition s'achève par l'une des toiles de Monet appartenant à la série des Pont Japonais Pont Japonais - 1918-1924 - Collection Larock-Granoff, et on comprend pourquoi le tourbillon de couleurs se limitant à suggérer le motif du jardin de Monet, ait autant marqué les peintres abstraits américains de l'après-guerre. L'exposition s'achève finalement par l'oeuvre la moins impressionniste.

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