Exposition "L'Art et l'enfant" au Musée Marmottan
L'enfance dans l'Art
classique moderneLe Musée Marmottan présentait jusqu'au 3 juillet une exposition fort riche consacrée à la représentation de l'enfant en peinture à travers le temps, du XVIIème siècle jusqu'à l'Art Moderne.
Au-delà de l'évolution des mentalités sur la place accordée à l'enfant, c'était l'occasion de voir des très belles toiles de maître (de Philippe de Champaigne à Monet, Renoir ou Picasso) et de découvrir en plus quelques chefs d'oeuvre de peintres méconnus.
L'exposition a le bon goût de ne pas nous attarder sur la représentation de l'Enfant-Dieu Jésus, thème rebattu mille fois s'il en est afin de stimuler la dévotion catholique. Elle préfère en présenter un seul mais très brillant exemple, juste à l'entrée : une sculpture extraordinaire du XIVème siècle - La présentation au temple - Musée de Cluny - avec un petit Jésus entouré de personnages aux lourds habits drapés, lui restant droit et emmaillotté de façon minimale, marquant déjà sa différence.
Le Roi Enfant
A l'aube de l'Absolutisme, les peintres du XVIIème siècle comme Philippe de Champaigne ont contribué de leur coup de pinceau miraculeux à proclamer haut et fort le droit divin des jeunes dauphins.
Louis XIV offrant sa couronne à la Vierge - 1650 - Philippe de Champaigne - Hambourg
Le jaune trop vif de la photo n'imite que très imparfaitement la couleur or qui sur la toile illumine le Roi. Sous les yeux de sa mère Anne d'Autriche, Louis XIV offre certes ses attributs de jeune souverain à la Vierge, mais c'est la lumière dorée de la Grâce qu'il reçoit en retour. A présent les temps obscurs de la Fronde sont à éloigner.
Louise-Marie de Bourbon, duchesse d'Orléans - 1682 - Pierre Mignard - Château de Versailles
Pierre Mignard n'est pas non plus le dernier des Peintres français du XVIIème siècle. Appartenant au groupe des "Hommes Illustres", qui ont leur statue sur le toit des ailes du Palais du Louvre, les tableaux de Mignard décorent les belles galeries du château de Versailles de portraits réalisés pour les Dames de la Cour du Roi Soleil. L'opulence de l'enfant à la robe d'or n'a d'égal que la richesse des couleurs vives qui exhalent du tableau ci-dessus. Sans recul de notre part, la toile nous convaincrait presque que l'enfant, assise entre le vert perroquet à ses pieds et l'encadrement du paysage, tient cette formidable richesse de la Divine Nature, telle une merveille de la Création.
L'Enfant et sa famille
A partir du XVIIIème siècle la bourgeoisie de plus en plus sûre d'elle face à la Noblesse, n'hésite plus à se faire représenter en famille. L'enfant peut donc y prendre sa part enfin, comme pièce essentielle du noyau familial.
La Promenade près d'Argenteuil - 1875 - Claude Monet - Paris, Musée Marmottan
Sophie Müller, femme de l'artiste, et ses deux filles - 1792 - Johann Friedrich August Tischbein - Paris, Musée des Arts décoratifs
La précaution maternelle - 1855- Jean-François Millet - Paris, Musée du Louvre
Des nombreuses toiles impressionnistes que l'exposition présente, l'une de Claude Monet nous a véritablement fasciné, même si toutefois on peut lui préférer "les jeunes filles" de Renoir. Dans La Promenade près d'Argenteuil - 1875 - Musée Marmottan l'enfant ouvre le chemin de ses parents : son col nous confirme que bien que la promenade au milieu des fleurs soit bucolique, les nuages roulent au ciel et le vent souffle fort.
Issu d'une famille de peintres du XVIIIème, l'allemand Tischbein spécialiste des portraits de cour très à la mode à l'époque, choisit de suivre le chemin tracé par Elisabeth Vigée-Lebrun en représentant sa propre famille : sa femme au regard fatigué mais au sourire aimant tient dans ses bras ses deux filles. La plus grande qui se cache dans l'ombre semble être assez mutine et nous suggèrer qu'avec elle la vie de famille ne doit pas toujours être facile. Plus qu'un portrait, c'est une ode émouvante car réaliste au bonheur en famille, c'est un chef-d'oeuvre à la lumière douce, dorée et chaleureuse.
Quant au "Millet", c'est une scène paysanne, aux couleurs un peu éteintes mais aussi adoucies, notamment ce bleu "familial" symbôle d'appui à la plus jeune enfant, coiffant même la tête de famille sa mère qui la soutient en pleine action. Scène réaliste c'est un petit bijou de modestie comme souvent dans les scènes rurales de Millet (et son célèbre "Angélus").
L'Enfant et le jeu
On trouve en peinture à partir du XVIIème siècle des scènes d'enfants vaquant à l'activité finalement qui les caractérise le plus.
Paul dessinant - 1923 - Pablo Picasso - Paris, Musée Picasso
La Boxe - 1918 - Maurice Denis - Collection particulière
Les petits patriotes - 1830 - Philippe-Auguste Jeanron - Caen, Musée des Beaux-Arts
Enfants avec une cage à oiseaux et un chat - 1646 - Frères Le Nain - Karlsruhe
Comme sur le tableau ci-dessus de Pablo Picasso - Paul dessinant - 1923 - Pablo Picasso - Paris, Musée Picasso : autour de l'enfant à son dessin ce sont des lignes droites et géométriques cernant de noir comme pour la préserver sa très grande concentration et le grand sérieux de son travail. D'une chevelure très brune, le petit Paul semble totalement absorbé malgré la présence dans l'ombre du jouet sur la table. Picasso s'intéressait lui aussi beaucoup à la naïveté du dessin enfantin qu'il voulait imiter et sublimer sur ses propres toiles.
Maurice Denis le Nabis peint lui deux jeunes frères aux pommettes saillantes en plein jeu - La Boxe - 1918 - Maurice Denis - Collection particulière. Le regard brillant du plus grand est un encouragement enthousiaste au plus petit à lui tenir tête, les deux étant totalement immergés dans le bain vert de la pelouse récréative.
Philippe-Auguste Jeanron n'est pas le meilleur peintre du XIXème siècle mais il sait retrouver tout son lyrisme révolutionnaire - Les petits patriotes - 1830 - Philippe-Auguste Jeanron - Caen, Musée des Beaux-Arts - pour peindre cette scène des Trois Glorieuses de 1830. Si ce petit Napoléon observant le champ de bataille peut aujourd'hui faire sourire, le regard fixe que nous adresse l'autre enfant au centre du tableau questionne le courage et le patriotisme de l'observateur, alors que le combat révolutionnaire fait rage. Malgré la fatigue et sûrement la faim ces petits patriotes prennent leur part à leur manière au combat. En plein Romantisme c'est le grand chef d'oeuvre lyrique d'un peintre qui après la Révolution de 1848 deviendra un très grand directeur du Louvre pour le gouvernement provisoire de Ledru-Rollin.
Dernier tableau et cette fois de très jeunes paysans du XVIIème siècle également livrés à eux-mêmes - Enfants avec une cage à oiseaux et un chat - 1646 - Frères Le Nain - Karlsruhe. Les trois frères Le Nain peintres sous Louis XIII peignaient des scènes rustiques prisées par les bourgeois des villes. Et notamment ces enfants qui semblent jouer mais qui ont l'air de s'ennuyer chacun de son côté tels des somnanbules sous ce ciel bleu nuit. Est-ce vraiment leur condition modeste qui nous rend ces enfants si touchants?
Comme toujours le Musée Marmottan présente par la petite lorgnette d'une thématique - l'Enfant - une exposition aux nombreux chefs d'oeuvre, qui en plus traverse les époques.