Avis sur l'exposition "Anselm Kiefer" au Centre Pompidou

Le spleen allemand de Kiefer

Publié par arman - dimanche 10 avril 2016, 18:27 | Voir les avis

moderne contemporain

Les peintres allemands modernes sont à la mode : après Georg Baselitz et Markus Lüpertz, c'est au tour d'Anselm Kiefer de se voir consacré une grande exposition parisienne à Beaubourg en ce début d'année 2016.

Anselm Kiefer fait partie d'une génération de grands peintres allemands nés après, mais néanmoins marqués par l'histoire de la seconde guerre mondiale et du nazisme. Même si sa peinture est fortement créative et originale, Kiefer est sûrement celui à avoir été le plus traumatisé par les horreurs du passé : sa peinture morbide souvent en très grand format se regarde en effet comme la vue instantanée d'un cauchemard.

Parsemés d'éléments troublants dans ces rêves noirs apparaissent souvent des ruines hitlériennes, comme ce mausolée de style Speer ci-dessus (Au peintre inconnu - 1983 - Musée Duisbourg), ou des vieilles reliques du passé essaimées sur des paysages peu accueillants.

Tout ce pessimisme et cette bile noire auraient du mal à nous convaincre sans la monumentalité du sujet et des oeuvres. Les pyramides et monuments néo-classiques représentés sont élevés sous un véritable choc tellurique, une force mégalomaniaque dont l'intensité est reproduite sur des toiles de très grand format, comme la pyramide de Osis et Osiris.

Ce qui contribue à convaincre également c'est l'emploi de matériaux et d'objets collés à la toile : tantôt de la terre, de l'argile, du bois, parfois même de la paille, tantôt de vieilles reliques (livres brûlés, carcasse de sous-marin) sorties des ténèbres d'un passé volontairement oublié (celui de l'Allemagne nazie), confèrent à ces "rêves" noirs un réalisme troublant.

Pour Paul Celan Fleur de Cendre - 2006 - Collection Particulière

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C'est un champ à perte de vue en pleine désolation hivernale, un champ couvert d'une neige fine sur lequel apparaissent en trois dimensions des livres brûlés, vieux souvernirs ressurgis du passé, débris en cendre des autodafés. C'est aussi un endroit si accueillant qu'on pourrait y trouver un camp nazi !

Le Grand Fret - 2005 - Collection Particulière

Une carcasse de sous-marin à l'abandon sur un champ givré, qui refait surface en trois dimensions comme une bombe de la Grande Guerre. Le fagot de brindille laisse entendre que la mémoire devrait se débarrasser d'une telle réapparition, de cette arme de guerre ressurgie elle aussi du passé comme les livres brûlés de l'oeuvre précédente. Le sous-marin a les couleurs mornes du paysage allemand : débris encombrant, il fait encore partie, tel un abscès militaire, de la réalité germanique pour l'Artiste.  

Les ordres de la nuit - 1996 - Seattle Art Museum

Margarethe - 1981 - San Francisco Museum of Art

Le langage des fleurs et des choses muettes - 2015 - Collection particulière

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Tels des cyclopes qui observent immobiles, ces tournesols géants attendent la putréfaction à venir du corps de l'artiste, abandonné sur une terre desséchée par des soleils noirs. De façon stupéfiante pour le spectateur le corps de l'artiste semble attendre lui aussi sa propre décomposition.

Pour Margarethe, c'est une épiphanie de curieuses créatures en paille, surmontées de petites flammes, qui brûleraient comme des cierges ou s'incendieraient complètement, pour une veillée joyeuse et nocturne.

Enfin contre la grisaille (Le langage des fleurs et des choses muettes), au dessus d'une nuée de flleurs blanchâtres des boutons de couleurs planent au hasard tels des insectes au milieu des corolles.

S'il n'arrive pas à obtenir totalement l'enthousiasme de l'amateur au cours de cette exposition, l'art d'Anselm Kiefer impressionne, pour peu que l'on ne se laisse pas rebuté par son pessimisme. 

Pas d'avis pour l'instant.
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