Exposition "Hommage à Jacqueline Picasso" à Beaubourg
La Dernière Muse
moderneEn hommage au quarantième anniversaire de sa mort, le Musée National d'Art Moderne consacre une exposition à Jacqueline Roque la dernière compagne de Pablo Picasso. Grâce à leur fille, un ensemble exceptionnel de portraits, de celle qui fut l’un des grands modèles féminins du Peintre, est exposé jusqu'au 5 septembre à Beaubourg.
Le peintre espagnol multiplia pendant les vingt dernières années de sa vie, les images de la jeune femme rencontrée en 1952 à Vallauris près d'Antibes. La plupart des toiles exposées, issues pour la plupart de collections particulières, ont été peintes par Picasso durant cette période. L'Artiste connu y compris du grand public mais qui s'appuie sur un style moins léché qu'avant la seconde guerre mondiale, est décrié à cette époque par les critiques et les artistes d'avant-garde ; comme nous allons le voir il garde pourtant à cette époque et jusqu'au bout une verve intacte.
Le Génie et sa Muse
Etreinte - 2 Juillet 1971 - Collection Particulière
Femme Assise - 24 Août 1971 - Collection Particulière
Femme Assise (Jacqueline) - 14 Septembre 1971 - Collection Particulière
Le "triptyque" qui s'offre à son regard dès l'entrée est un choc esthétique pour le visiteur. Il présente non seulement de curieuses formes anthropomorphes mais sur des toiles aux couleurs très habilement associées par les commissaires de l'exposition : du vert émeraude, du "jaune de sienne" et du beige abricot mis en valeur par les contours noir des silhouettes.
Sur la toile de gauche tout le vert émeraude semble remplir Jacqueline d'un amour débordant, elle qui faisant battre ses grands cils, a les yeux de Chimène pour son génie de mari - Etreinte - 2 Juillet 1971 - Collection Particulière.
Il n'en est pas de même à droite sur ce portrait inquiétant - Femme Assise (Jacqueline) - 14 Septembre 1971 - Collection Particulière - d'une Jacqueline sombre aux traits si anguleux qu'il suggère une compagne caractérielle et vindicative, un volcan encore calme pour le moment.
Au milieu le portrait d'une Jacqueline assise en costume de toréador et confite est un trait d'union un peu plus neutre et amusant - Femme Assise - 24 Août 1971 - Collection Particulière. A noter que ces trois tableaux ont été peints durant l'été de la même année 1971.
Voici à présent deux autres portraits de Jacqueline également contrastés, datant eux des années 60.
Femme assise dans un fauteuil - Décembre 1962 - Collection Particulière
Nu dans un fauteuil (Jacqueline - Juin 1964 - Collection Particulière
Si à droite elle apparaît rêveuse, semblant oublier le peintre qui l'observe, et sa propre nudité, il n'en est pas de même sur le tableau de gauche. Picasso applique sur cette toile certains des artifices du cubisme qu'il a lui-même inventés, comme ce nez retourné pour être en face de l'observateur, bien que le visage et le regard soient restés de trois quarts. Que ce soit le nez, le déséquilibre des épaules ou celui du chandail dont le col également pend de côté, c'est le corps d'une Jacqueline préoccupée et boudeuse qui semble la pousser à se tourner, à regarder l'artiste et enfin à se confier à lui.
Autoportrait
L'autoportrait de Picasso ci-dessous fait figure d'exception Jacqueline n'y étant pas représentée.
Tête d'homme dans un cadre - 12 août 1971 - Collection Particulière
Ce visage immatériel et translucide tel celui d'un fantôme semble pénétré d'une clarté provenant du fond du tableau à droite. Cette lumière se critallise pour coiffer le front d'une auréole d'or qui vient panser les infortunes de ce personnage aux yeux hagards, Picasso lui-même peut-être en état psychologique de "survie", heureux malgré tout.
Jacqueline, photographe du couple
Un mur de l'exposition est en effet consacré aux photographies du couple Picasso prises par Jacqueline elle-même devenue photographe.
Picasso et Jacqueline à la Californie - Non daté - Collection Particulière
Elles apportent un éclairage sur la création picassienne et sur le talent de photographe du modèle passé de l’autre côté du miroir. La bande blanche sur le front de la Jacqueline cubiste et inquiétante au début, trouve son explication sur cette photo : c'est un rayon de soleil.
L'exposition, véritable choc esthétique et révelation pour ceux qui méconnaissent le dernier Picasso, se prolonge, et s'enrichit de surcroît à la Fondation Gianadda en Suisse, jusqu'au 20 Novembre.