Exposition "André Derain : 1904-1914, la décennie radicale"

Derain, ce "Fauve" superbe

Publié par arman - mercredi 21 février 2018, 17:55 | Voir les avis

moderne

Après avoir vu cet automne l'oeuvre plus sombre et académique du second, voici présentée par Beaubourg l'oeuvre du premier Derain. Celui qui dans les pas de Vlaminck et Matisse révolutionna l'Art Moderne à partir de 1904 et durant les années qui suivirent.

La rétrospective sur cette partie de l'oeuvre de Derain permet de contempler de nombreuses oeuvres fauvistes de l'Artiste.

Pionnier du Fauvisme

Dès 1900 André Derain (1880-1954) peint la banlieue pré-industrielle et la vallée de la Seine vers Chatou en compagnie de Maurice de Vlaminck, dont il a fait la connaissance en train en rentrant de ses cours du Louvre. Menée au début par les deux jeunes hommes, c'est le début d'une révolution esthétique qui puise sa force dans l'oeuvre récemment découverte de Van Gogh en prônant l'usage de couleurs marquées et vives, notamment du rouge.

Vlaminck et Derain qui partagent le même atelier deviennent les pionniers d'un mouvement pictural auquel vont bientôt se joindre beaucoup d'autres artistes. Ainsi début 1905, Derain invite à Chatou un peintre qu'il cotoie aux séances de copie du Louvre depuis 1901, Henri Matisse. Matisse fortement impressionné par les toiles qu'il découvre va totalement libérer l'art de Derain en l'invitant à de studieuses vacances à Collioure durant l'été 1905. Vlaminck, désargenté, reste seul à Chatou.

En haut, dans Les Montagnes à Collioure, le vent s'infiltre entre les feuilles des arbres, les ébouriffe avant de s'échapper par les façades des collines comme la fumée entre la braise et les cendres.

Bateaux dans le port de Collioure - 1905 - Zurich, Fondation Merzbacher

Vision arcadienne d'une fin d'après-midi sur le port de Collioure dont le rivage conserve toute la chaleur du jour et les marins contemplent les reflets frémissants sur la mer.

Ces toiles peintes en 1905 furent exposées au fameux Salon d'Automne de 1905 qui révéla au monde le génie de Derain et de tous les "Fauves" qui furent rassemblés dans une seule et même salle. 

Paysage d'Ile de France - 1905 - Collection Particulière

Plaine d'Ile de France plate et rougeoyante, sur laquelle se jette du milieu d'un ciel bas et gris, un nuage long et noir. Derain capte sous ce motif rural toute la nervosité d'une région parisienne également urbaine et laborieuse.

Le premier tableau ci-dessous est l'un des souvenirs d'un été à l'Estaque cette fois en compagnie de Georges Braque, autre grand "Fauve" du Salon d'Automne 1905.

La jetée à l'Estaque - 1906 - Collection Particulière

Le Quai Victoria - 1907 - Musée d'Orsay

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La jetée du port de l'Estaque, peinte comme une piste rougissante car écrasée de soleil, est une rampe d'envol vers la baie et sa chaîne de montagnes. 

En 1907 comme Monet Derain séjourne brièvement à Londres dont il dessine les paysages sur des croquis préparatoires. Il exécutera de retour dans son atelier une série de 26 toiles londoniennes dont la plus belle est peut-être la seconde ci-dessus.

Un virage vert pris à pleine vitesse ravive la nature d'un paysage londonien engourdi, réveille ses arbres rougis et son ciel doré par le soleil d'hiver. On aperçoit à contre-jour et dans la brume toutes les maisons le long du quai. 

C'est au cours de ce séjour londonien que Derain découvre toute la modernité des statuettes d'Art Africain au British Museum. Dès son retour il en fait part à ses amis Braque, Matisse, et bien sûr Picasso qui en fera bon usage dans sa période pré-cubiste (notamment pour Les Demoiselles d'Avignon).

Le retour à Cézanne

André Derain comme la plupart des artistes (sauf Matisse) vont assez vite se détourner du Fauvisme. C'est qu'après Van Gogh, les découvertes des statuettes africaines d'une part, et l'oeuvre de Paul Cézanne d'autre part vont beaucoup impressionner les artistes "modernes". Les Fauves Derain et Vlaminck s'intéressent comme Picasso et Braque aux villages peints "en petits cubes" à la manière du Maître d'Aix, qu'ils découvrent lors de la rétrospective de 1907.

Maisons au bord de l'eau (Montreuil-sur-Mer) - 1910 - Saint-Petersbourg, Musée de l'Ermitage

Vieille Ville de Cagnes (Les Hauts de Cagnes) - 1910 - Moscou, Musée Pouchkine

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Derain de son pinceau relève l'artificialité géométrique des demeures, qui s'inscrivent cependant à merveille dans leur environnement. Les premières semblent flotter sur l'eau de la rivière en même temps qu'elles s'y reflètent, les secondes plus colorées absorbent les rayons du soleil sur toute l'étendue de leurs façades. 

André Derain va peindre son meilleur grand format (présent celui-là uniquement à l'exposition du MAMVP) en reprenant le motif des Baigneuses cher à Cézanne et en les représentant à la manière cubiste de Picasso. 

Les Portraits Réalistes

On ne peut pas dire que les Fauves aient influencé les expressionnistes allemands de "Die Brucke". Le mouvement de Kirchner et ses amis, sous l'influence également de Van Gogh, est fondé dès juin 1905 à Dresde soit bien avant le séjour estival de Matisse et Derain à Collioure. 

En revanche Otto Dix et la Nouvelle Objectivité sont déjà présents dans certains des portraits réalistes finaux d'André Derain, notamment le Portrait de Lucie Kahnweiler (Centre Pompidou MNAM) qui date seulement de 1913.

Parmi eux Les deux soeurs (Copenhague, Statens Museum for Kunst) de 1914 impressionne par la charge émotive, rentrée mais suspecte, entre les deux personnages féminins qui semblent cacher un lourd secret.

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