Exposition "De Zurbarán à Rothko" au Musée Jacquemart-André

Le choc de la Peinture espagnole

Publié par arman - jeudi 6 avril 2017, 23:00 | Voir les avis

contemporain moderne classique

Le Musée Jacquemart-André présente jusqu'au 10 juillet une collection d'oeuvres d'art privée très éclectique, celle constituée par la milliardaire madrilène Alicia Koplowitz.

Comme le suggère son titre, l'exposition traverse les époques et les courants avec des oeuvres de choix signées par les plus grands artistes. C'est en outre l'occasion de voir la grande Peinture Espagnole, celle qu'on ne peut admirer habituellement qu'au Musée du Prado ou en Espagne.

Il faut tout d'abord reconnaître que c'est l'exposition d'une collectionneuse qui a bon goût, une amatrice d'art capable d'apprécier des oeuvres créées à toutes les époques (du XVème au XXème siècle), et suivant tous les grands courants historiques, de la Renaissance classique à l'Expressionnisme abstrait. Au Musée Jacquemart Alicia n'a cédé que des toiles de Maîtres au meilleur de leur forme rendant l'exposition sinon pléthorique du moins incroyablement dense.

Gauguin, Van Gogh, Toulouse-Lautrec, Van Dongen, Modigliani, chacun est en effet représenté par des oeuvres de choix. Et avec Lucian Freud, Rothko et De Kooning, c'est l'Art Moderne qui occupe la plus grande place dans l'exposition.

La part belle est laissée aux artistes modernes espagnols, Picasso bien sûr mais aussi Gris, Tàpies et le peintre contemporain Miquel Barceló. On peut le comprendre de la part d'une collectionneuse qui désire que les grandes oeuvres d'art restent dans le pays qui a vu naître leurs créateurs. De notre côté nous évoquerons les perles, parmi les toiles de l'exposition que nous avons admirées, et les plus belles sont à contempler dès la première salle. 

Le choc de la première salle

Habituellement les expositions commencent assez lentement, introduisant des oeuvres de jeunesse de l'artiste exposé. Cette fois-ci la visite démarre à son paroxysme, avec des grands fleurons de la Peinture classique espagnole, des oeuvres de maîtres invisibles d'habitude en France comme le maniériste du XVIème siècle Luis de Morales.

Vierge au chapeau avec l'Enfant dite "Vierge gitane" - 1568 - Luis de Morales

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De toutes les oeuvres que l'on croisent dans les expositions il en y a souvent de brillantes, certes. Mais il y en a d'autres beaucoup plus rares qui relèvent parfois tout simplement du miracle. L'effet de surprise est certainement à l'origine de la forte impression causée par la "Vierge" ci-dessus de Luis de Morales, que l'on croyait à distance de facture simplement classique et d'exécution virtuose. En la regardant de plus près on découvrira ainsi un flou dans le halo de lumière nimbant les visages de la Vierge et de son Enfant. Cette matérialité qui s'échappe à mesure que l'on s'approche révèle le caractère spectral et pourquoi pas divin des personnages représentés.

Luis de Morales que ses contemporains appelait "El Divino" est sans doute de toute l'Histoire de la Peinture le plus sous-estimé des peintres. D'un rendu égal aux meilleures oeuvres d'un Giorgione ou d'un Titien, cette perle turquoise, ce chef d'oeuvre absolu au flou inversé que même le Prado de Madrid ne possède pas, fut acquise pour la maudite somme de 500 000€, plutôt modique au vu du marché de l'art international aujourd'hui. C'est néanmoins et sans nul doute la plus belle oeuvre d'exposition visible en ce moment à Paris, devant même "La Laitière" du holandais Vermeer.  

Goyesque

Portrait de la Marquise de Marguini - 1800 - Agustin Esteve y Marqués

Une impression vaporeuse voile imperceptiblement le portrait aux couleurs vives de cette toute jeune marquise ; c'est comme si nous la regardions à travers les voilettes en tulle, ou la mousseline de sa robe, aux lumineux reflets. Après Goya, dont il fut le disciple, le peintre valencian Agustin Esteve y Marqués fut le plus grand portraitiste espagnol de la fin du XVIIIème et du début du XIXème siècle. 

On pourra également s'émerveiller devant les toiles de Zurbarán et Juan Pantoja de la Cruz.

Goya

L'Attaque de la diligence - 1787 - Francisco de Goya

Un ciel d'un bleu limpide qui trône au-dessus d'une forêt verdoyante : voilà le cadre idyllique d'une scène qui s'avère être à y regarder de plus, près une tragédie humaine, un crime de sang. Les couleurs verte et bleue sont pourtant aussi naturelles que fabuleuses. Les toiles du Louvre étant d'une facture inférieure, il est impossible d'habitude de voir en France un tableau aussi beau du génie aragonais. 

Les Modernes

Et chez les Modernes, les plus belles toiles étaient encore d'artistes espagnols, n'en déplaise aux amateurs du Fauve Kees Van Dongen, à qui la femme ci-dessus paraîtra pour le moins fascinante, sinon ensorcelante dans l'ombre verdâtre de son chapeau - Femme au grand chapeau - 1906 - Van Dongen.

Picasso

Tête et main de femme - 1921 - Pablo Picasso

Cette femme picassienne à la main énorme posée sur l'épaule, néanmoins à notre échelle, dégage autant de puissance que de sérénité. A cette période Picasso réprésente les femmes comme des sculptures de chair rose (certes un peu pâlie par la photo) et leur insuffle la vie, ci-dessus en posant sa propre main à travers le cadre de la toile. 

Miquel Barceló

Lac jaune - 1990 - Miquel Barceló

Miquel Barceló peintre contemporain a peint ce "Lac jaune" suite à l'un de ses nombreux voyages au Mali. L'illusion qui tient du mirage nous montre une oasis à laquelle viennent s'abreuver des dromadaires, là où on ne voyait au départ qu'une pauvre flaque parsemée de cailloux. Vision extralucide qui par surimpression du quotidien nous fait entrevoir une contrée exotique et distante. C'est toute l'aridité du désert doublement à sec qui est évoquée  par un artiste talenteux.

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